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INTRODUCTION

peut exprimer la pensée japonaise, avec ses modes particuliers, ses mouvements, ses images intimement liées aux conceptions mêmes, par un système d’équivalents qui, en faussant tout l’esprit natif, ne donnerait plus une traduction, mais un travestisse* ment à la française. Or, je voulais montrer comment pensent les Japonais, et le seul moyen d’y parvenir était de suivre leurs développements avec une fidélité scrupuleuse.

Cette méthode un peu minutieuse devait fatalement exiger un certain nombre de notes explicatives. La plupart des orientalistes qui ont traduit des documents japonais ont évité cet inconvénient par deux procédés également commodes : analyser, sans le dire, les passages trop difficiles à rendre ou à commenter, et paraphraser, sans l’annoncer davantage, ceux que le lecteur ne comprendrait pas tout de suite ; de telle sorte qu’entre ces transformations combinées, le texte disparaît. Quelques honorables exceptions ne font que mieux ressortir la généralité de ces pratiques détestables, qui, chose curieuse, sont encore plus répandues chez les traducteurs japonais. Ces derniers, en effet, n’hésitent guère à supprimer toute l’originalité des textes pour montrer leur propre connaissance des idiotismes étrangers, ou même à habiller leurs auteurs d’un complet européen, croyant ainsi les rendre plus présentables. Au risque d’ennuyer parfois le lecteur par des notes trop abondantes, j’ai voulu réagir ; on ne trouvera ici que des traductions littérales, accompagnées des éclaircissements qu’il faut. D’ailleurs, des notes nombreuses étaient indispensables pour élucider les écrits d’une civilisation si différente de la nôtre. La nature même, qui tient tant de place dans les préoccupations des Japonais, offre un monde de plantes et d’animaux qu’il était