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DANAË MALE.

Paul, à trente ans, était resté obscur dans les lettres, quoiqu’il se proclamât poëte et chantât l’amour aux pieds du crucifix, dans les cimetières et dans les catacombes. Il donnait aux femmes, que ses vers célébraient, la forme des anges (il les avait vus apparemment !) et entre ses aspirations célestes et ses convoitises, il faisait toujours intervenir ce Dieu romantique dont on a tant abusé depuis Mme de Krudner, qui se plaisait à l’invoquer dans les moments où les courtisanes d’Italie voilent leur madone.

Paul avait le physique de son emploi : il était frêle, petit et très-pâle ; la pauvreté l’avait réduit dans sa première jeunesse à un régime pythagoricien ; il couvait en secret tous les instincts, forcément refoulés, de luxe, de bonne chère, de sensualité et de paresse. On ne se méfie pas assez de ces chétifs rêveurs. Ses rimes amoureuses ne l’ayant pas tiré de son obscurité ni de sa misère,