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D I A L O G V EI I.

Les vns, ont touſiours deuant les yeux le bon heur de la vie paſ‍ſee, l'attente de pareil aiſe à l'auenir, il ne leur ſouuient pas tant de ce qu'ils endurent ce peu de temps que dure vne bataille, comme de ce qu’il cõuiendra à iamais endurer à eux, à leurs enfans, & à toute leur poſ‍terité.
Les aurres n’ont rien qui les enhardiſ‍ſe, qu'vne petite pointe de leur conuoitiſe, qui ſe rebouche ſoudain cõtre le dãger, & qui ne peut eſ‍tre ſi ardẽte, qu'elle ne ſe doiue (ce ſemble) eſ‍teindre par la moindre goutte de ſang, qui ſorte de leurs playes.
Aux batailles tant renommees de Milciades, & de Themiſ‍tocles, qui ont eſ‍té donnees deux mille ans y a, & viuent encore auiourdhuy, auſ‍ſi freſches en la memoire des liures, & des hõmes, comme ſi c’euſ‍t eſ‍té l'autr'hier, qui furent donnees en Grece, pour le biẽ de Grece, & pour l'exemple de tout le mõde, & qu'eſ‍t-ce qu’on penſe qui donna à ſi petit nombre de gens, comme eſ‍toyent les Grecs, non le pouuoir, mais le cœur de ſouſ‍tenir la force de tant de nauires, que la mer meſmes en eſ‍tait chargee, de deffaire tãt de nations, qui eſ‍toyent en ſi grand nombre, que l’eſcadron des Grecs, n'euſ‍t pas fourny ſeulement de Capitaines aux armees des ennemis : ſinon qu'il ſemble que ces glorieux iours-là, ce n'eſ‍toit pas tant la bataille des Grecs contre les Perſes, cõme la vic‍toire de la liberté, ſur la domination, de la franchiſe, ſur la conuoitiſe.
C’eſ‍t choſe eſ‍trange, d'ouyr parler de la vaillance

que la liberté met dans le cœur de ceux qui

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