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D I A L O G V EI I.

ſible de conſpirer par prodition cõtre les Rois : & les Rois ne pourroyẽt deffẽdre leurs vies & leurs eſ‍tats par la iuſ‍tice. Et tant plus doit il eſ‍tre loiſible à vn Roy de maintenir ſon eſ‍tat par vne iuſ‍te punition ſur vn autre Roy ou Monarque, que ſur vn autre qui ne ſeroit ſouuerain : d’autant qu’encores pourroit on deſirer que le Roy offenſé en requiſ‍t iuſ‍tice au ſuperieur du coulpable, pour n’eſ‍tre iuge ẽ ſa cauſe propre. Mais où il n’y a aucũ iuge par deſ‍ſus le coulpable : ou il faut que les Rois facent eux meſmes la iuſ‍tice, ou biẽ qu’ils ſoyent en pire condition, que les plus infimes. Car à faute de iuge ils n’auroyẽt aucune reparatiõ des torts qui leur ſeroyent faits. Et toutefois la où il n’y a point moyen d’auoir iuge, les loix permettẽt aux ſuiets meſmes de ſe faire iuſ‍tice de leur main.
Au reſ‍te ie te confeſ‍ſe, que (comme tu as dic‍t) les ambaſ‍ſadeurs ſont inuiolables, mais c’eſ‍t tant qu’ils ſe contienẽt aux termes d’ãbaſ‍ſadeurs : Mais quãd ils ſortent hors des bornes de leur eſ‍tat, ils ne doyuẽt plus eſ‍tre tenus pour tels. Les Romaĩs ont attribué la prinſe de Rome par les Frãçois au crime, qui auoit eſ‍té cõmis par Q. Fabius leur ambaſ‍ſadeur enuoyé aux Frãçois, où il tua hoſ‍tilemẽt vn Frãçois, & apres s’en alla à Rome. Les Frãçois demãderent aux Romains, qu’ils le leur baillaſ‍ſent, pour auoir le ſupplice que merite vn ambaſ‍ſadeur qui fait ac‍tes d’hoſ‍tilité.
Les Fecialiens eſ‍toyent d’auis qu’il le leur failloit liurer : autrement que les dieux en ſeroyent fort courroucez & deſplaiſans. Le peuple Romain au contraire ſauua ledic‍t ambaſ‍ſadeur :