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D I A L O G V EI.

de Condé. Adonc la Royne regnante s’agenouillant deuant luy, le ſupplia qu’il ne fiſ‍t point vne choſe de ſi grande conſequence, ſans l’auis de ſon conſeil. Le Roy aucunement vaincu des prieres de ſa femme, ſouppa & dormit auec elle : Le matin venu (ce feu luy eſ‍tant vn peu paſ‍ſé) il fit venir le prince de Condé, auquel il propoſa trois choſes, la meſ‍ſe, la mort, ou priſon perpetuelle : & qu’il aduiſaſ‍t laquelle des trois luy agreeroit le plus. Le prince de Condé reſpõdant luy dit, Que moyenãt la grâce de Dieu, il ne choiſiroit iamais la première : les deux dernieres, il les laiſ‍ſoit (apres Dieu) à l’arbitrage & diſpoſition du Roy.
Vray eſ‍t qu’ayant entendu qu’on luy preparoit vne chambre à la Baſ‍tille (où lon a accouſ‍tumé d’empriſonner les Princes) i’ay ouy dire, que ce ieune prince de Condé, a changé du depuis d’auis.
Peu de iours apres, on a imprimé auec priuilege du Roy, certains liures mordans & pleins d’iniures, contre l’Amiral : eſquels nommément eſ‍t diſputé & maintenu, qu’il a eſ‍té loiſible au Roy de traiter ainſi ſes ſuiets, pour la religion violee, ne plus ne moins que furent chaſ‍tiez les ſacrificateurs de Baal. Mais de la coniuration de l’Amiral, point de nouuelles, ces liures n’en dient rien de particulier : & les cõſeillers & courtiſans à qui i’en ay parlé auant mon depart (entre autres meſ‍ſieurs de Foix, & de Mal-aſsiſe) s’en moquent : diſans par leur foy, que ç’a eſ‍té vne galante couuerture : recognoiſ‍ſant le faic‍t ſi barbare & diaboliquement

cruel, qu’on ne luy peut donner autre ti-

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