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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

reuse influence sur le caractère de Claude. Content de lui-même, il était satisfait des autres, et, tous les jours, trouvait de nouvelles raisons d’apprécier les qualités de Zane. Peu à peu, sans qu’il en eût conscience, les mille liens de l’habitude tissaient autour de lui une trame subtile, où il s’emprisonnait, comme une mouche dans une toile d’araignée.



Le dîner offert par Saldagne à ses amis venait de finir. Les convives prenaient le café, au frais, sous la varangue. La nuit était de celles qui laissent à un Européen l’éternelle nostalgie du ciel tropical et de la terre imérinienne. Êtres et choses se reposaient en une paix ineffable. La lumière diffuse des étoiles, dans l’air transparent, ôtait à l’ombre sa tristesse ; le souffle subtil du vent apportait en ondes parfumées les senteurs troublantes des arbres chargés de fleurs. L’hymne de volupté que susurrent en notes stridentes les grillons, que jettent en cris rauques les chauves-souris dans leurs vols saccadés, que coassent les grenouilles dans l’eau tiède des rizières, s’exhalait de partout, et la brise très douce, qui s’enflait et tombait tour à tour, paraissait faite des soupirs d’innombrables couples d’amants.

Les invités réunis par Claude sans aucune contrainte mondaine se laissaient aller au charme de la nuit australe, et, libres de toute obligation de vaine politesse, se taisaient. Colo-