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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

— Peu importe. Je voudrais y aller.

— Alors nous irons, Claude.

Elle sourit à quelque idée intérieure.

— Je pense à l’étonnement des parents que j’ai encore là-bas, quand ils verront mon mari blanc.

Claude rit aussi de bon cœur, en songeant à ses parents malgaches de la brousse.

L’obscurité était tombée très vite, comme il arrive sous les Tropiques. D’innombrables petites lumières s’allumaient en bas de la montagne et trouaient l’ombre jusque dans les rizières. L’Européen, sensible aux effluves amollissants des soirées australes, fut pris d’une grande lassitude physique. Il crut reconnaître les prodromes d’un accès de fièvre et se laissa tomber en une rêverie mélancolique. Il se rappelait les maladies de son enfance, la douceur caressante des soins maternels. L’idée de la mort le hanta soudain, l’accès pernicieux qui emporte en quelques heures l’homme le plus fort, l’enfouissement du cercueil dans la terre d’exil sous les yeux de camarades d’hier ou d’indifférents. Déjà, il avait suivi trois de ces convois depuis son arrivée. Il évoqua la vision du cimetière, loin de la ville, sur la haute colline d’Andzanahâr, et l’admirable vue qu’on a, du milieu des tombes où dorment les jeunes hommes, sur Iarive-la-Joyeuse, crénelée de rochers et parée de cases rouges au milieu des frondaisons. Reposerait-il un jour, lui aussi, dans la lourde argile d’Andzanahâr ?

Il fit effort pour écarter les idées tristes, mais