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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

ment des récifs de corail ; elle brisait la houle du large, et, au delà, de grandes ondulations lentes venaient mourir avec un bruit sourd sur les roches protectrices du boulevard maritime Malgré l’absence de soleil, le paysage demeurait exotique par l’aspect des cases à varangues, par les allées de cocotiers le long du boulevard, par tous les arbres étranges qui verdoyaient ou fleurissaient dans les jardins. Derrière le wharf s’allongeait la pointe Tanio, boisée de filaos et de badamiers, dominée par les toits rouges des bâtiments militaires. Du côté de la terre, très loin, à l’horizon, se détachaient, en une ligne bleue, nette et dentelée, les hautes montagnes, premières assises du plateau imérinien, et, sur ce fond sans soleil, les filaos se profilaient presque avec des silhouettes de sapins.

Sur rade, plus de navires que n’en voit ordinairement Tamatave : quelques goélettes ancrées près des récifs, et, en face de la passe, trois grands vapeurs, un anglais, le « Zanzibar », un hâvrais, la « Ville-d’Alger », et un marseillais, le « Natal ». Le « Zanzibar » paraissait neuf avec sa coque éblouissante de blancheur et sa flottaison d’un rouge vif, il était plus petit, plus lourd et plus trapu que ses voisins. La « Ville-d’Alger » dominait de sa masse noire le peuple des chalands pressés autour d’elle. Le « Natal », paquebot postal des Messageries Maritimes, préparait son appareillage.

À deux heures, Claude gagna le bord. Le temps, de nouveau, s’était assombri ; le ciel, couvert, était lourd comme l’océan ; sur les