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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

péenne fiévreuse, en cette atmosphère de fête, oubliait sa journée de lassitude. Ils parlèrent d’abord de Tananarive : l’éloge de la Cité Rouge jaillissait de leurs lèvres en strophes amœbées. Elle disait son enchantement dès l’arrivée, ses promenades partout, sa joie de jouir de l’air limpide, de la lumière radieuse, lui décrivait les aspects admirables de la ville imérinienne, soit qu’on la découvre des chemins qui convergent vers elle, soit que des sommets d’Ambouhipoutse on domine ses cent quartiers, et le chaos des hauteurs sacrées couronnées de villages, qui déposent en hommage, au pied de la Montagne Royale, le tapis lamé d’argent des vertes rizières, Elle conta comment elle avait, la première année, accompagné son mari dans la brousse ; ensuite la fièvre était venue, d’abord sournoise, larvée, puis éclatant en accès froids et chauds qui la laissaient brisée ; dans quelques mois, ils allaient repartir pour la France. Claude ignorait quand il rentrerait, pourtant la nostalgie lui était venue de la patrie volontairement délaissée. Eux du reste ne comptaient pas y rester longtemps ; son mari reprendrait sûrement une affaire coloniale, à Madagascar ou ailleurs. Quand une fois on a goûté de la vie exotique, on ne sait plus y renoncer. Et, en disant ces projets, les yeux de l’Européenne, inconsciemment, s’emplissaient de langueur triste, à l’idée qu’elle pourrait perdre un jour les terres équatoriales, la vie large et facile sous des climats édéniens, les spectacles pittoresques renouvelés toujours, la