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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

en apparence quand on les interroge sur leurs sympathies physiques, habiles à s’en tirer toujours par une caresse, une plaisanterie ou un éclat de rire ? Et, l’eussent-elles avoué, c’était leur droit, conforme à la volonté de la Nature et aux traditions ethniques, de préférer aux hommes blancs, venus de si loin, les mâles héréditaires. Claude, en toute conscience, en toute bonne foi, l’absolvait d’avance, sa Zane, des aventures passées qu’il aimait mieux ne pas connaître, des trahisons présentes, si sa ramatou ressemblait à la plupart des autres. Et pourquoi eût-elle été différente ? Elle lui apportait sa bonne grâce, son humeur égale, sa soumission d’esclave heureuse, son jeune corps souple et frais, son haleine pure, son doux rire d’enfant. Qu’avait-il à demander davantage ? Et pourquoi s’obstiner à des comparaisons inutiles, à des expériences chimériques ?

La conception de l’amour, chez les Imériniennes, restait celle des générations antérieures, sensuelles et polygames : l’homme, le maître, proportionnait à ses richesses le nombre de ses femmes ; celles-ci, point jalouses, cédaient, selon la loi de la nature, aux désirs du mâle ; d’ailleurs le geste leur apparaissait singulièrement banal ; il n’avait de prix que celui que les hommes y attachent.

Claude s’était figuré longtemps que les passions physiques de l’amour s’expriment de la même manière sous toutes les latitudes et chez tous les peuples. Mortier l’avait confondu un jour en lui révélant que les Malgaches, avant