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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

des bananes jaunissantes, des goyaves, ou des œufs dans un vase de terre, ou des gerbes de fleurs, ou des épis de riz. Saldagne, prévenu, s’était muni de nombreuse monnaie ; il remerciait d’un mot ou d’un geste, et, selon l’importance du cadeau, il distribuait des pièces aux vieillards et du billon aux enfants. À côté de lui, Razane, en une élégante robe blanche, toute brodée et ajourée de dentelles, souriait, petite reine triomphante, à ceux de sa race ; derrière, le marmiton et la femme de chambre recevaient les dons des mains des offrants pour les déposer en un coin de la varangue : d’un côté, le tas grouillant des bêtes grognantes ou gloussantes, de l’autre, l’amoncellement des fruits jaunes et verts. Claude se rappela les offrandes faites naguère par les gens d’Imérimandzâk à l’ancêtre divin sur le tombeau sacré pareil à un temple, et il eut presque l’illusion, ce jour de 14 juillet, d’être une sorte de dieu vivant ; il sourit lui-même à cette pensée bouffonne, s’estima simplement un toumpouménakel, un seigneur féodal de l’Âge imérinien tout proche : tels les nobles hommes, en France, recevaient, aux époques depuis longtemps abolies, l’hommage de leurs vassaux.

De nouveau, les gens se dispersèrent dans le jardin, s’accroupirent ça et là en devisant ; Razane, fille glorieuse de la Race, parcourut les groupes, en tenant à chacun les discours d’usage. Les paroles, presque rituelles, étaient assez semblables à celles que dirent, disent et diront, sous toutes les latitudes, les hommes