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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

dans les autres, par gradation de tailles.

Le rite s’était vite établi : maintenant, presque tous les dimanches, il y avait des agapes familiales dans la maison d’Ambouhipoutse. Raclaude se rendait compte que sa présence serait plutôt une gêne pour ses invités, et il s’arrangeait pour déjeuner en ville ce jour là.

L’arrivée de la première de ces troupes avait été pour lui une impression neuve et originale : un matin Razane lui expliqua que des parents à elle, d’un village lointain, venaient les saluer ; le prenant par la main, elle l’amena sur la varangue ; ils étaient là une dizaine, deux ou trois vieux au visage ratatiné, avec des touffes de poil gris plantés en brosse dans la peau couleur jus de chique, des ramatous indiscernables sous les plis des lambas, quelques jeunes hommes en chapeaux de bourjanes, et des enfants de tout âge portés sur le dos ou agrippés aux mains des mères. Les vieux avaient revêtu pour la circonstance, comme il est d’usage, le carré d’étoffe de soie, tissé par les femmes de la maison, avec le fond rouge et les rayures multicolores, suaire rituel pour l’ultime toilette après la minute de la mort, et lamba somptueux pour les jours de fête. Le plus âgé fit un long discours, débité très vite et ponctué de gestes ; de temps en temps il se retournait pour prendre les autres à témoin, et eux aussitôt clamaient de toute leur voix des assentiments frénétiques.

Le jour du 14 juillet, ce fut une invasion. Ils