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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

boulainvilliers près de fleurir et des lys de Florence dans un vase de terre rouge. Claude admira l’élégance sobre de cette garniture. Elle n’était pas l’œuvre de Razane, mais du petit domestique indigène, un paysan du village d’Imérimandzak. Personne ne lui avait appris ; il faisait cela naturellement comme les fils d’autres peuples modèle la glaise, ou tracent des figures avec des pointes d’os ; les Malgaches, ainsi que les Japonais, leurs cousins ethniques, ont le goût inné de la disposition des fleurs.

— Tu feras mauvais dîner aujourd’hui, Raclaude. Le cuisinier est parti ce matin…

L’incident agaça Claude, il ne pouvait pas garder un cuisinier ; trois ou quatre venaient de se succéder en six mois dans sa case, et il craignait que le motif ne fût la présence de Razane ; les cuisiniers de Tananarive n’aiment pas leurs compatriotes comme maîtresses de maison, car ils ne dédaignent pas de faire danser, dans des limites raisonnables, l’anse du panier, tandis que les ramatous entendent se réserver à elles seules ces petits bénéfices.

— Ce n’est pas le coulage qui m’ennuie en cette affaire, disait le sceptique Desroches, je préfère même que le profit aille à ma ramatou plutôt qu’aux vagues humanités indigènes de ma cuisine. Ce que je ne puis souffrir, c’est le bouleversement continuel de mes habitudes gastronomiques, par suite de ce va-et-vient. Ma bourse à la rigueur s’en accommoderait, mais mon estomac proteste…

Claude était du même avis. Il savait que les