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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

dait sous la varangue, en une pose malgache, accroupie par terre et enveloppée complètement dans un grand lamba immaculé. On ne voyait ni ses pieds, ni ses mains, ni sa tête. Les plis souples de l’étoffe dessinaient vaguement toutes les formes, mais n’en précisaient aucune ; ils marquaient un repos du jeune corps penché légèrement en arrière et se laissant aller sur les jambes croisées, avec une grâce nonchalante. L’immobilité faisait penser à une statue ébauchée dans un bloc de marbre et que l’artiste aurait dédaigné de finir.

Claude, charmé par cette vision, s’arrêta. Il l’avait eue maintes fois ; car les Malgaches, dans les rues ou les campagnes, aiment à se reposer, enveloppés hermétiquement dans les plis du lamba ramené par-dessus la tête et cachant jusqu’au visage. Mais jamais il n’avait vu Zane en cette attitude, et il s’attardait à la contempler. Elle était bien du même style que les autres statues blanches rencontrées par lui sur les digues rouges des rizières, ou sur les murs à demi ruinés des vieilles maisons, d’un art réaliste et sensuel, anobli par le chaste mystère du voile. Il avança de quelques pas, le bruit avertit Razane. Les plis, du haut en bas de la statue, s’agitèrent ; une main menue et longue, de bronze clair, avec des bagues d’or, sortit des voiles blancs, écarta l’étoffe sous laquelle dormait le visage ; les yeux et la bouche de l’Imérinienne saluèrent l’arrivant.

Tous deux entrèrent dans la salle à manger. Déjà la table était dressée, avec une branche de