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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

— Les animaux ne sont ni farouches, ni méchants. Il n’y a pas de bêtes féroces dans l’Île, à l’exception des caïmans. Avez-vous remarqué la douceur des bœufs ? Quand on passe à travers ces grands troupeaux qui vivent en liberté dans les herbages, taureaux et taurillons s’écartent sur un simple geste de la main. Les chiens malgaches n’attaquent pas les hommes, ils ont presque désappris d’aboyer, et le moindre roquet venu d’Europe fait fuir une meute de chiens nés dans le pays.

— Les fleurs importées de chez nous perdent aussi leurs parfums. Les œillets sont presque sans odeur ; et l’ail malgache, en cuisine, n’a même plus les vertus de l’oignon.

— Et l’homo europaeus, le Méditerranéen énergique et créateur se souvient ici des millénaires paresses de l’anthropopithèque, au pied du cocotier retrouvé…

— C’est peut-être pour cela que beaucoup d’entre nous s’endorment dans les délices imériniennes…

— S’endorment… oui !

— Et après tout, pourquoi ai-je dit « s’endorment » ? Je sais, vous allez me parler d’aveulissement. Je proteste. Qu’ai-je perdu ? J’ai gardé tout le trésor intellectuel de mes ancêtres, je n’ai que très peu modifié leur héritage moral et j’ai trouvé un milieu physique mieux approprié à mes désirs et à mes besoins.

— Je suis pris, comme vous, certains jours par la douceur de vivre où s’alanguit Tananarive. Mais je ne puis me contenter de cueillir