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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

homme de leur caste, quelque chose qui leur coûte si peu et nous fait tant plaisir.

— Vous voulez dire qu’elles se prostituent à tout venant ?

— Non. Elles ne voudraient pas non plus nous être désagréables pour une cause si futile.

— Vous vous moquez de moi, Berlier…

— En aucune façon. Vous n’êtes pas de ces amants ridicules qui croient éviter… l’accident, en chambrant leurs ramatous. Elles sont susceptibles aussi, et comme l’Eve des Missionnaires, dociles à l’attrait du fruit défendu. Tenez, regardez votre Razane : elle s’applique à faire de belles révérences à chacun des cavaliers que ramène en face d’elle la figure du quadrille. Elle ne recherche dans la danse aucune excitation spéciale. Elle s’amuse, sans plus. Voyez au contraire, là-bas, cette ramatou assise près de son Seigneur et Maître.

— Je ne la connais pas.

— C’est la belle Ravô, une de celles qui lancèrent la déplorable mode des chapeaux à l’européenne. Elle a eu pour amant le colonel Dupont, qui entra le premier dans Tananarive conquise. Il lui en est resté un certain lustre, quoiqu’elle ne soit plus très jeune. Si vous faites sa connaissance, elle vous récitera, avec de légères fautes de prononciation, le Vase brisé. Elle feint de s’intéresser à notre littérature. La dernière fois que je l’ai vue, elle lisait les chansons de Bititis. En ce moment, elle habite la case de ce jeune entrepreneur qui