Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

— En apparence ?

— Croyez-vous donc qu’en une ou deux générations on puisse transformer les instincts d’une race et appliquer à un peuple toute une réglementation compliquée faite pour un autre ? Les Malgaches, assez dissimulés déjà, le sont devenus davantage encore, pour ne pas faire de peine aux Prédicants et aux Monpères.

— Cette dissimulation profonde des Imériniennes, dont on parle toujours comme d’une vérité reconnue, qu’en pensez-vous, bien sincèrement ?

Il avait parlé avec tant de chaleur que l’autre eut un regard étonné, devinant la pensée intime de Saldagne, la vague inquiétude jalouse sur les faits et gestes de Razane. Berlier eut pitié et répondit :

— Bah ! Il y a aussi des êtres francs et sincères parmi eux. Ce que nous prenons pour de la fausseté n’est souvent que la timidité d’une race asservie.

— Mais elles, les Imériniennes, toutes nos petites épouses, quelle est leur mentalité véritable ? Croyez-vous qu’on puisse la comprendre pleinement dans l’intimité des nuits et des jours ?

— Est-ce qu’un être humain peut espérer en pénétrer un autre ? Qu’importe que leur pensée nous échappe, si l’étreinte de leurs bras nous est douce ? Ce sont des êtres très primitifs, Saldagne. Elles n’attribuent pas au geste de l’amour la même valeur que nous. Aussi elles n’oseraient refuser soit à un Européen soit à un