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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

— Je fais le commerce chez les Betsiléos. Tous les ans je pars, à l’époque où les mangues achèvent de mûrir ; je vais jusqu’à Amboustre quelquefois jusqu’à Fianarantsou ; et je reviens quand approche la saison des pluies. Je me suis bâti une case neuve près du tombeau des anciens.

Claude admirait la merveilleuse faculté d’adaptation des Malgaches, et ce fils des nobles d’autrefois, devenu marchand, affublé par les missionnaires du nom un peu ridicule de Robin (Raoubène) ; il le voyait suivi de deux ou trois bourjanes, trimballant sa pacotille chez les peuples conquis par son bisaïeul.

Il reporta ses regards sur Razane. De caste différente, elle appartenait bien à la même race, habile, insinuante. En cette minute il regretta qu’elle ne fût pas une Andriane et n’eût pas ses aïeux couchés dans un des tombeaux de l’Allée funéraire ; mais tout de suite il se jugea ridicule, lui Français, fils de la Révolution. Pourtant on ne pouvait dénier aux femmes Andrianes la finesse des traits et des formes, la noblesse des gestes, la fierté des sentiments. Il se souvint de la Ralinoure de Berlier, qui était de caste noble. Sa peau, un peu plus claire que celle de Razane, avait de chauds reflets de cuivre, mais aussi des stigmates de dégénérescence gâtaient ses traits : lobes des oreilles collés à la joue, lèvre inférieure molle, presque tombante. À choisir, il eût encore préféré une des dernières de Cosquant, une fille d’esclave, qu’il avait fallu débarbouiller et vêtir, une gardeuse de dindons, au corps sans défaut. Mais combien il plaçait