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dans l’ombre naguère silencieuse, se répercutaient démesurément, et les époux Lefort avaient cette impression effrayante que les sonneurs, se rapprochant de plus en plus, décrivaient autour de leur maison des cercles toujours plus étroits. Les cheveux plaqués aux tempes, la chemise collée au corps, haletants et oppressés, ils étouffaient dans un horrible cauchemar. Leur cerveau, hanté par les conversations de la veille, peuplait Tananarive de Fahavalou !

Tout à coup des rumeurs lointaines parvinrent jusqu’à eux, cris bizarres, appels répétés, voix humaines imprécises trouant la nuit, hurlements des chiens inquiets. La ville entière, complice des sonneurs, accompagnait d’un bourdonnement sourd le meuglement tragique des conques. Comme à un signal donné, le quartier s’éveillait, s’agitait. Des voix parlaient dans les cases voisines, habitées par des Malgaches ; des allées et venues suspectes tissaient autour de la maison une toile de mystère.

Et les Lefort, épouvantés, comprirent soudain : Tananarive était en révolte ; les Malgaches se levaient en masse pour exterminer les Français. Maintes fois, en pleine veille, cette idée leur était venue : la possibilité, la facilité d’un soulèvement du peuple conquis. N’avait-on pas eu la sottise, quelques mois plus tôt, d’envoyer à Diégo-Suarez une bonne partie des troupes françaises ! On était gardé désormais par