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— Vous n’avez donc pas peur des requins ?

— Jamais le poisson Souroukay n’enlève un Zafimandry, s’il n’a pas violé les fady.

Et, sur les instances de Lanthelme, le vieux Betsimisaraka lui raconta ceci :

— Les anciens savent qu’il y a dix générations d’hommes, Nousivarika était une île entourée de lagunes ; l’eau recouvrait alors la large bande de sable où poussent maintenant tes cocotiers, mais notre village existait déjà à la même place qu’il occupe aujourd’hui. C’étaient quatre ou cinq pauvres cases de pêcheurs.

Un jour, les hommes partirent en pleine mer dans deux grandes pirogues pour aller, avec des lignes et des harpons, pêcher les tourouvouka[1] au dos bleuâtre, les fesoutsy[2] tachetés, et les souroukay[3] à la chair savoureuse. Mais le mauvais temps les surprit loin de la côte ; pendant deux nuits et deux jours, ils furent entraînés vers le Nord ; à la fin, le Grand-Vent-qui-tourne fit chavirer leurs pirogues, et tous se noyèrent, sauf Ratsimanoutou, mon ancêtre.

Il fut porté par les vagues jusqu’à une île déserte, entourée de récifs. Longtemps il se lamenta, à cause de la mort qui l’attendait et du triste sort de

  1. Mulets.
  2. Marsouins.
  3. Requins.