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arc-bouta en arrière et battit l’air de ses deux bras crispés, comme pour s’accrocher au vide, en poussant un cri d’effroyable détresse. Il s’effondra dans l’eau ; la mer, tout autour de lui, se teignit de rouge. Quand la vague se retira, il n’y avait plus sur le sable qu’une moitié d’homme : le requin avait emporté le reste.

Les gens du village, appelés par le cri d’agonie, enlevèrent le débris humain et allèrent l’ensevelir dans la partie de la lande réservée aux étrangers, pendant que Lanthelme, béant d’horreur, muet d’horreur, contemplait la mer cruelle, pleine de monstres invisibles.

L’après-midi, il revint, l’imagination hantée par l’affreux spectacle, jusqu’au lieu où s’était passé le drame. Il s’assit sur la même pierre où il s’était reposé le matin, et regarda la douce mer bleue, aux molles ondulations pacifiques. Un vieux Betsimisaraka du village, qu’il connaissait bien, un des plus anciens travailleurs de sa concession, s’approcha de lui.

— Eh bien ! dit Lanthelme, il a été vite enlevé, l’Antaimourou !

— Vite enlevé, oui, toumpoukou !

— Tu as déjà vu de ces accidents ?

— Autrefois, oui, toumpoukou !

— Vous entrez souvent dans la mer, vous autres, pour pêcher ou vous laver ?

— Souvent, oui, toumpoukou !