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LIX
PRÉFACE.


de rester longtemps aux prises avec la province pour elle-même, n’était incapable de longtemps s’intéresser à l’artisan pour lui-même : il faut qu’il l'agrandisse en l’enrichissant, et Sauviat donne à sa fille Véronique une dot de 700.000 francs, et Grandet meurt plusieurs fois millionnaire, Quant à ses paysans, ils ne sont que l’illustration — combien vivante et haute en couleurs ! — du paragraphe de La Bruyère : ils sont plus des animaux que des hommes. Avec eux, c’est non pas Vénus , mais Plutus tout entier à sa proie attaché, le Plutus des champs, des bois et des vignes. Ils n’ont pas d’autre instinct que celui de s'enrichir. Que ce soit le principal mobile de toutes les actions humaines, à la ville comme aux champs, il reste que l'appétit le plus féroce laisse place à d’autres sentiments naturels : rien de cela chez les paysans de Balzac. Ce sont tous des Gobseck au petit pied chaussé de gros sabots.

Maupassant avait vu plus juste, sinon plus profond, en nous montrant les siens dans les situations les plus diverses, en proie à toutes les passions rudimentaires qui tenaillent l’homme, où qu’il vive. Eux aussi sont âpres au gain, certes, — et les milliardaires le sont-ils moins ? — mais ils ne sont pas que cela : francs buveurs, — et je sais bien que le père Fourchon aime à caresser la bouteille, et qu’on boit beaucoup de vin cuit au Grand I vert, — gais lurons ayant le mot pour rire, disputeurs, processifs,amoureux, que sais-je encore ! Moins tragiques que ceux de Balzac, ils rirent d’une vie, sinon plus intense, plus quotidienne.

Avec Zola, c’est Vénus que nous retrouvons tout entière à sa proie attachée, une Vénus des champs et des vignes, qui sent la sueur, le purin et le mout du pressoir. Plutus ou Vénus, l’exagération est la même.

De tout cela, nous connaissons assez Renard pour