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XLIV
PRÉFACE.

Le premier est presque tout entier occupé par l’ humorisme, je veux dire : par la faculté que possède Renard de tout déformer ; mais nous constatons bien qu’il voit net, et, quoi qu’il prétende, qu’il se laisse prendre au lyrisme ; il y a la lucarne qui " découpe une carte de visite de ciel ", et la lutte des flots et des rochers.

La Tempête de feuilles est à base de lyrisme, de la première ligne a la dernière. Sans doute, ce n’est point l'aquilon ébranlant la chaumière où René rêve pendant que les pluies tombent en torrent sur son toit. Nous sommes en Nivernais, et non pas en Bretagne, mais il y a, dans cette " Tempête ", un mouvement que nulle part je n’ai retrouvé dans l’œuvre de Renard, un souffle que, sans hésitation, je dirais magnifique, si... Eh ! bien, peu importe : je maintiens l’épithète, et que soient condamnés par eux-mêmes ceux qui n’en auront pas été remués. Par les moyens en apparence les plus simples, Renard a atteint, là, à la grande émotion. Mais, si ce n'est pas dans un verre d’eau, ce n’est la tempête que sur un jardin, et, connaissant Renard, nous ne pouvons attendre que, même à son enthousiasme, il ne mêle pas le sel de son humorisme ; et voici la tourterelle avec " sa gorge peinte ", la pie " insupportable avec sa queue-de-pie " et les choux ivres qui " agitent leurs oreilles d’âne ". Et voici, pour le réalisme, que " les pommiers secouent leurs pommes, frappant le sol de coups sourds ", et que " les groseilliers saignent des gouttes rouges, et, les cassis, des gouttes d’encre. "

Feuilles d’automne, enfin, est à base de réalisme, mais ni l’ humorisme, ni, surtout, le lyrisme, n’y perd ses droits. Voici, pour le premier, qu’ " aux treilles se prépare la course en sac des raisins " , qu’il y a des " nids à louer ". Voici pour le second : " Le frisson brusque et sans cause connue, que les arbres se transmettent en une courte agitation, passe au cœur de l’homme soudain grave et le