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XXXIX
PRÉFACE.


mine les peignes, les brosses, la culotte pendante, la savate morte. Il étudie l'urine et compte les jets de salive. Il fait un tas des pièces de prix transportables et les noue dans son mouchoir en disant : " Tout mon bonhomme est là. je le tiens ! " Brève critique par l’absurde, mais qui en dit plus long que des pages de dissertation objective. Maladive excroissance du réalisme, le naturalisme est mort malgré les certitudes de Paul Alexis qui confondait l'un et l'autre, alors que le réalisme survit, étant de partout et de toujours. De lui s’était séparé le naturalisme en faisant du document une fin plus qu’un moyen, en mettant l’art sur le même plan que la science, en s’ interdisant de généraliser, en n’ayant de l’humanité qu’une vision uniformément désolée, ce qui n’est pas interdit par l’esthétique, mais ce qui, indéfiniment répété, tourne vite au procédé agaçant.

Il serait donc un humoriste ? Vous n’y êtes pas. Aucun doute qu’il ne l’ait été accidentellement, mais cette étiquette ne peut se coller que sur la partie la moins importante de son œuvre. L'humoriste pur ne s’applique guère qu’a découvrir, dans les rapports des êtres entre eux et des choses entre elles, les aspects les plus imprévus et les plus déconcertants qu’il nous dénonce, tantôt en les forçant encore tantôt en se contentant de nous les signaler avec une discrétion dont il escompte l’effet ; et ces rapports sont des fis si ténus et si subtils qu’ils se rompent d’eux-mêmes : autant en emporte le vent. L’humoriste, le reste ne l’intéresse pas. Il veut ignorer qu’il y ait un ciel, des arbres et des prés, des saisons qui déterminent en nous la joie ou la mélancolie. Insensible au pittoresque extérieur, il n’a nul souci de nous retenir à l’aide d’images à proprement parler poétiques. Renard a trop aimé la campagne pour que les mots d’esprit n’aient pas fui, un jour, à la débandade, comme des feuilles de livres, mortes. Il l’a trop