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XXXIII
PRÉFACE.


les Cloportes, l’Ecornifleur, Poil de Carotte, Nos frères farouches.

De son " village ", littéralement il était parti en sabots avant que de chausser les bottines de l’écornifleur , éculées pour un bottier, mais artistes pour un écrivain. La courbe décrite par le développement de son talent n'a servi qu’à le ramener à son point de départ, et le village de Nos frères farouches est bien celui des Cloportes. A l’instar d’un de ses personnages, qui n’est autre que son père se déracinant pour vingt ou trente années, " à quelque distance du village, par-dessus la haie du petit pré ", il avait jeté ses sabots " comme un adieu ? " Pour lui comme pour son père, ce n’était qu’un au revoir. Quelques années plus tard, il les retrouva. Au cours des huit nouvelles dont se compose Crime de village aussi bien que dans les Cloportes, plus d’un passage fait pressentir l’écrivain qu’il sera plus tard.

Après quoi il devint homme de lettres et Parisien avec orgueil, je serais tenté de dire : avec frénésie. Il le fut au point de se faire gloire de ne pouvoir comprendre les paysans qu’avec l’aide de Balzac, lui qui, pourtant, venait d’écrire Crime de village et les Cloportes. Que écornifleur emporte aussi dans sa valise la Mer, de Michelet, et la Mer, de Richepin, on se l’explique ; nos petits pays sont loin du littoral de la Manche, et c’est dans l’Yonne, qui n’est encore que petite rivière à Chitry, que se baigne Poil de Carotte. Mais, sur les paysans, le jeune romancier des Cloportes avait son siège fait. Quoi qu’il en soit, ce fut l’époque où, frénétiquement, il démonta paysages terrestres et marins comme joujoux dont il ne voulait voir que l’artifice et le truquage, l’époque où il scrutait à la loupe visages et âmes pour y découvrir la tare imperceptible qui, mille fois grossie, de paille devînt poutre, l’époque où, sur une main de femme à la peau fine, il voyait " des