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SOURIRES PINCÉS


ment, toute triste. Elle entendit des pas qui la suivaient On semblait avancer avec précaution. Elle se cacha derrière un arbre. Une ombre la frôla. C’était son fils. Comment, si tôt ? Elle prit sa piété et prudemment l’épia. Il alla droit à l’écurie, en évitant de marcher sur les pierres craquantes. Il mit ses sabots dans ses mains, et il poussait la porte avec douceur quand sa mère lui frappa sur l’épaule.

— Tu ne l’as donc pas trouvée, ce soir ? Il parut étonné.

— Tiens, tu n’es point couchée !

Comme elle ne répondait pas, il reprit avec hauteur :

— Non, je ne l’ai pas trouvée.

— Tu l’avoues donc ! Tu cours après elle, tous les soirs !

Déjà rageuse, elle lui pointait son parapluie en pleine poitrine et lui en donnait de grands coups sur les bras, tandis qu’elle agitait sa lanterne en la balançant comme un encensoir. Il laissa tomber ses sabots et saisit le bout du parapluie en disant d’une voix basse :

— T’es folle, maman, t’es folle, c’est sûr.

Elle lui jeta des mottes de terre, des morceaux de bois, tout ce qu’elle trouvait sous sa main. II ouvrit le parapluie, et les projectiles rebondirent sur la toile tendue et sonore. Elle l’insultait en lui donnant des noms d’animaux méprisés, sans trop crier, de peur de réveiller les deux sœurs. Enfin, elle agrippa une baleine du parapluie. Pierre le lâcha et disparut dans la nuit.