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SOURIRES PINCÉS


dure, serrée, lourde d’entêtement, et la jeta en plein dans la colère de son père, avec méchanceté et hardiesse :

— Je suis majeur, je peux faire ce que je veux !

Les deux sœurs cessèrent de coudre et dressèrent leur col. l'une toute rouge, et l’autre toute pâle. Qu’allait-il se passer ?

Pierre regardait résolument son père. Tous les deux se soufflaient dans la figure, les épaules penchées et prêtes à se heurter ; mais la Griotte, épouvantée et subitement attendrie par le danger que courait son fils, se jeta entre les deux hommes en criant :

— Leroc, aussi, tu ne sais pas le prendre, ce petit ! Laisse-moi faire.

Il ne se passa rien. Leroc en s’arc-boutant contre un mur neuf l’aurait fait crouler, mais il obéissait volontiers à sa femme. Par peur ou par mépris, il se contint et dit à Pierre :

— Ah ! tu fais ton majeur avec ton père, mon garçon, c’est bon ! Continue, jusqu’à ce que je t’arrête.

Et il détourna ses épaules menaçantes avec la lenteur d’une grue qui déplace des pierres de taille.


IV


Pierre continua de rentrer à des heures tardives, indifférent aux clabauderies. Sa mère se mit en chasse avec ardeur, pour trois motifs. D’abord, très religieuse, elle ne trouvait dans l’œuvre de chair, en dehors du mariage, que crime et perdition.