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SOURIRES PINCEÉS


— Je trouve qu’elle étouffe un peu longtemps !

— Ah ! ouath ! disait le vieux. Des fois, elle reste une heure sans mouver, en pleine suie, pour m’attraper !

— Tout de même, je vas voir, disait Raponot.

Il entrait.

La vieille, calée par ses lourdes boursouflures de chair, s’était presque affalée sur le sol battu.

— Cousine, c’est-il que tu dors ?

— Elle fait la sourde, disait le vieux.

— Ma foi, elle ne bouge plus, affirmait Raponot.

Le vieux se levait et feignait d’être dupe.

— Plaît-il ! parles-tu vrai, au moins, mon cousin ? Alors donc j’aurai maintenant les pommes de terre pour moi, j’en mangerai mon saoul, sans céder de vin en pour ? Je me régalerai tout seul ? C’est-il Dieu possible que j’aie de la chance une fois en ma vie !

Il ricanait et poussait de son sabot la vieille. Toute la masse se gonflait et se creusait comme un matelas qu’on retourne.

— Oh ! disait le vieux imitant la déception, tu vois bien qu’elle remue encore, bêta !

— Il n’y a pas d’offense, répondait Raponot, grave ; mais ma croyance à moi serait qu’elle pourrait bien être morte.

La vieille, au coup de sabot, s’était écrasée tout à fait, et sa tête dévastée portait maintenant à terre sur ses mèches grises, parmi les épluchures.

Le vieux se frottait les yeux pour les dégager de leur brouillard. Il goguenardait encore et disait :

— Je la connais, la finaude ! la matoise !