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SOURIRES PINCÉS


Les joues rouges

à Ernest Raynaud


I


Son inspection habituelle terminée, M. le Directeur de l’Institution Saint-Marc quitta le dortoir. Chaque élève s’était glissé dans ses draps, comme dans un étui, en se faisant tout petit, afin de ne pas se déborder. Le maître d’étude, Violone, d’un tour de tête, s’assura que tout le monde était couché, et, se haussant sur la pointe du pied, doucement baissa le gaz. Aussitôt, entre voisins, le caquetage commença. De chevet à chevet, les chuchotements se croisèrent, et des lèvres en mouvement monta, par tout le dortoir, un bruissement confus où, de temps en temps, se distinguait le sifflement bref d’une consonne. C’était sourd, continu, agaçant à la fin, et il semblait vraiment que tous ces babils, invisibles et remuants comme des souris, étaient occupés à grignoter du silence.

Violone mit des savates, se promena quelque temps entre les lits, chatouillant çà le pied d’un élève, là tirant le pompon du bonnet d’un autre,