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JULES RENARD


frère. Toute la famille est là, debout, sur la pointe du pied, et soupire, appréhensive. — Où sont les sels ? — Un peu d’eau bien fraîche, s’il vous plaît, pour mouiller les tempes ? —

Poil-de-Carotte monte sur une chaise afin de voir par-dessus les épaules, entre les têtes. Il a le front bandé d’un linge déjà rouge, où le sang suinte et s’écarte.

M. Lepic lui a dit :

— Tu t’es joliment fait moucher !

Et sa sœur Ernestine qui a pansé la blessure :

— C’est entré comme dans du beurre.

Il n’a pas crié, car on lui a fait observer que cela ne sert à rien.

Mais voici que grand frère Félix ouvre un œil, puis l’autre, revient à lui. Il en est quitte pour la peur, et, comme son teint graduellement se colore, l’inquiétude, l’effroi se retirent de tous les cœurs.

— C’est égal, dit Mme Lepic à Poil-de-Carotte, nous l’avons échappé belle : toujours le même, donc ? tu ne pouvais pas faire attention, petit imbécile !


VI

Les Lapins

— Il ne reste plus de melon pour toi, dit Mme Lepic ; d’ailleurs, tu es comme moi, tu ne l’aimes pas.

— Ça se trouve bien, dit Poil-de-Carotte.

On lui imposait ainsi ses goûts et ses dégoûts.