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La Meule


I


Des bœufs se chauffaient au soleil, blancs, immobiles, et comme oubliés là, aux places dénudées, au milieu des pies éparses sous leurs mufles et dans leurs pattes. À l’un des coins du pré, une meule de paille, haute autant qu’une maison, qu’on n’avait pu entasser dans les granges trop pleines, avait l’air d’un gigantesque bouvier accroupi dans sa limousine.

Un ruisseau filait sous des treillis de joncs ; des rigoles claires y couraient, suivant la pente du pré, étroites lanières d’argent où tout un vol onduleux de pigeons s’émiettait au passage.

La fermière, Marne Husson, plongeait ses mains dans les poches de son tablier et leur jetait des grains à poignées. Elle avait une camisole légère aux manches courtes, entr’ouverte, qui laissait voir par un bâillement, un bout de chemise, avec, entre les seins et le cou hâlé, un peu de peau grasse et blanche où luisaient les perles de métal d’un collier.