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VI

LES LAPINS


— « Il ne reste plus de melon pour toi, dit Mme Lepic ; d’ailleurs, tu es comme moi, tu ne l’aimes pas. » —

— « Ça se trouve bien » — dit Poil-de-Carotte.

On lui imposait ainsi ses goûts et ses dégoûts. En principe, il devait aimer seulement ce qu’aimait sa mère. Quand arrivait le fromage :

— « Je suis bien sûre, disait Mme Lepic, que Poil-de-Carotte n’en mangera pas. » —

Et Poil-de-Carotte pensait :

— « Puisqu’elle en est sûre, ce n’est pas la peine d’essayer. » —

En outre, il savait que ç’eût été dangereux.

D’ailleurs n’avait-il pas le temps de satisfaire ses plus bizarres caprices dans des endroits connus de lui seul ? Au dessert, Mme Lepic lui disait :

— « Va porter ces tranches de melon à tes lapins. » —