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LA GLOIRE DU COMACCHIO

détachant du poignet de bronze, tomba sur les dalles…

On ne comprenait pas ce qui se passait. C’était un prodige obscur et détestable. On voyait seulement de grands sillons labourer sans bruit le corps de la statue et la détériorer comme à plaisir. Puis, soudain, l’outil invisible offensa la noble matière au pli du bras survivant. Et le plus atroce, c’est qu’on n’eût pas dit que ce fût là du métal raviné, mais de la chair lacérée, jamais le bronze ne s’étant ruiné de cette façon. Oui : de la chair tailladée avec une lame ! Oui : avec une lame méchante ! Une lame experte aussi, puisque le peintre Falciero le jeune, qui suivait d’un œil épouvanté les progrès de la blessure, croyait voir désosser un coude par quelque anatomiste rompu aux minuties de la dissection, un émule d’Ambroise Paré ou de Michelagnolo…

L’avant-bras s’abattit… Ce n’était pourtant qu’un morceau de bronze !…

Or, la statue démembrée avait l’air d’un bel antique. Sa face immobile et placide contrastait avec la torture qu’elle semblait endurer…