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LA GLOIRE DU COMACCHIO

à la fois, très fine et bien potelée, telle que la dévoilait son image d’airain. Mais le sculpteur poursuivit :

— « Tous ceux qui l’auront pour modèle accompliront subitement des prouesses. Tu t’émerveillais tout à l’heure à propos de nos deux chefs-d’œuvre, et tu parlais de résurrections et de prodige… Le prodige s’appelle Chiarina… Et ce n’est plus moi qui en dispose !… »

La statue disparaissait peu à peu dans la nuit venante. Cesare la regardait se simplifier par la vertu de l’ombre, qui est parfois une grande artiste, et ainsi redevenir une ébauche, mais une ébauche en quelque sorte définitive et parfaite, comme son Andromède à lui. L’extase sombre et le regret infini se mêlaient dans ses yeux de vaincu. Un effort le tira de sa pensée comme d’un gouffre.

— « En vérité, » dit-il avec l’intonation d’un critique indifférent, « on se demande si c’est un hommage ou un affront à la mémoire de Cellini. Quel parallélisme ! Vois donc : le rocher d’Andromède encombre ni plus ni