Page:Renard - Outremort et autres histoires singulières, Louis-Michaud, 1913.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.
231
LA GLOIRE DU COMACCHIO

— « Mais si tu te trompais ?… On a pu te mystifier… »

— « Nous arrivons », dit Tubal.

Cesare se remit en marche. Au tournant de la rue on apercevait la demeure de l’usurier, presque de face, et le commencement du palais della Tacca. Cesare Bordone évitait de passer par là d’ordinaire, à cause de Chiarina dont il fuyait la rencontre. Il avoua cette faiblesse au Juif et lui demanda s’il la voyait quelquefois.

— « Très souvent. Une épouse légitime ne peut habiter sous le même toit que son amant ; cela est cause que Baccio l’a nichée dans une gloriette, non loin de la Porte du Pô. Mais elle vient sans cesse au palais, comme bien vous le pensez ! »

— « Hâtons-nous ! » fit Bordone.

— « Ne craignez rien, Messer. Elle y viendra ce soir, mais plus tardivement. J’ai mes espions. Ce soir, on soupe en belle compagnie chez mon voisin. Tenez-vous ferme : le duc et ses familiers doivent s’y rendre incognito… »

— « Tu me bernes ! »

— « Pas du tout. Il s’agit de présenter la