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LE BROUILLARD DU 26 OCTOBRE

vaudrait mieux baisser la voix. Nous ne savons pas ce qui se cache là-dedans… »

L’ombre azurée du couvert gardait sa mystérieuse hostilité. Le feuillage, animé d’oiselets indiscernables, tressaillait. Des essaims de mouches convulsives séjournaient au milieu du clair-obscur. La jungle s’éveillait à chaque instant, sensible à des passages dérobés. Des sillages courbaient les tiges et tout à coup s’arrêtaient avec une brusquerie terrible, me laissant à penser qu’un monstre invisible nous avait vus.

— « Il faut », repris-je, « contourner cette roche et l’interposer entre nous et la terre. L’océan me paraît plus inoffensif… »

— « Si vous y tenez ! » fit Fleury-Moor pendant que la manœuvre s’exécutait. « Mais », ajouta-t-il, « je m’attends à ce que le mirage s’évanouisse d’un moment à l’autre. Observez, n’est-ce pas. »

— « Jusque-là, » remarquai-je, « nous serons plutôt mal installés ! »

La mer, en effet, venait lécher la base du monolithe.

— « Restons quand même », accepta Fleury-