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LE BROUILLARD DU 26 OCTOBRE

et de calcaire, autrefois sous-marins, et qui regorgent de coquillages. »

Voilà ce dont je me souvenais.

— « Cela est fort bien, mon cher », répliquai-je. « Mais le brouillard ! Est-ce que vous ne craignez pas de vous perdre, s’il augmente ?

— « Pas de danger ! Ces coins-là, voyez-vous, je les connais par cœur. J’irais à mes couches les yeux fermés ! D’ailleurs, chez nous, les brouillards ne sont jamais denses… Mais si vous voulez, en pressant le pas, nous aurons vite fait de dépasser celui-ci… »

Bientôt, en effet, dégagé du couloir, le chemin brusqua sa pente, et l’atmosphère se libéra de toute confusion. J’en profitai pour jeter un coup d’œil d’ensemble, et je constatai — non sans étonnement, après l’assurance de Fleury-Moor — qu’on ne voyait plus du tout Cormonville. Le vallon s’emplissait à mi-hauteur de volutes nébuleuses ; elles meublaient jusqu’aux extrêmes lointains et submergeaient l’immensité.

— « Hé ! vous soutenez que ce brouillard-là n’est pas dense ? »