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LE VIGNERON DANS LA VIGNE


Déjà ce couple de jeunes commençait de vivre à part. Je les surpris, le soir, au bord d’un labouré. Elles s’envolèrent si étroitement jointes, aile dessus, aile dessous je peux dire, que le coup de fusil qui tua l’une démonta l’autre.

L’une ne vit rien et ne sentit rien, mais l’autre eut le temps de voir sa compagne morte et de se sentir mourir près d’elle.

Toutes deux, au même endroit de la terre, elles ont laissé un peu d’amour, un peu de sang et quelques plumes.

Chasseur, d’un coup de fusil, tu as fait deux beaux coups : va les conter à ta famille.


Ces deux vieilles de l’année dernière dont la couvée avait été détruite, ne s’aimaient pas moins que des jeunes. Je les voyais toujours ensemble. Elles étaient habiles à m’éviter et je ne m’acharnais pas à leur poursuite. C’est par hasard que j’en ai tué une. Et puis j’ai cherché l’autre, pour la tuer, elle aussi, par pitié !