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NOUVELLES DU PAYS


n’humilie pas des vieilles plus riches qu’elle, et chaque jour qu’il fait beau, elle en ramasse. Il ne s’agit que de mettre dans sa hotte du bois au lieu de linge, mais le bois sec lui semble plus lourd que le linge mouillé. La hotte se cramponne à son dos par les bretelles de chanvre ; la vieille se courbe en avant, jusqu’à terre. Débarrassée, elle se redressera à peine, le pli étant pris. Quelquefois elle va de travers parce que sa hotte tire de droite et de gauche, et quelquefois, bon gré mal gré, elle s’assied sur un tas de pierres de la route. Mais, dans cette lutte, c’est toujours la vieille qui l’emporte. Elle aura du bois cet hiver.

Il ne lui reste qu’à trouver son pain quotidien. Autant l’avouer, il faut qu’elle mendie. C’est le plus pénible. Oh ! elle s’y fera, et déjà quand on veut lui mettre quelque chose dans la poche de son tablier, elle recule d’abord, elle dit : « Non, non », à voix haute, puis à l’instant elle dit, à voix baissée : « Merci, merci », car d’une main machinale elle ouvre sa poche afin que l’aumône ne tombe pas à côté.