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le péril bleu

Maxime, inquiet de l’absence prolongée de Robert et froissé de l’indifférence unanime à l’égard d’un tel dévouement, se retira dans son laboratoire afin d’y goûter un peu de calme. — Mais ses poissons, dans leurs aquariums, ne l’intéressaient plus. L’océanographie l’importunait. Ses pinceaux et ses couleurs lui firent l’effet de joujoux bons pour les enfants, qui, eux, n’ont pas de souci. Maxime parcourut d’un regard distrait les boîtes de collection suspendues autour de la rotonde, et il se méprisa de les avoir jamais estimées.

Elles renfermaient cependant des choses curieuses. Jadis, il s’était diverti à capturer les animaux, de toute espèce, dont la forme et la couleur s’identifient à celles de leur support ou de leur milieu, si exactement, que leurs ennemis ne peuvent plus les en distinguer. Il avait aussi attrapé les bêtes qui s’évertuent à ressembler à d’autres bêtes, soit pour effrayer leurs adversaires, soit pour tromper la méfiance de leurs victimes. En en mot, c’était une collection de mimétismes.

Voulant apaiser son inquiétude, Maxime essaya de se rappeler la difficulté de ses chasses puériles, où la proie était d’autant plus inestimable qu’elle se dissimulait avec plus de perfection. Et il se souvenait tristement de sa joie, lorsqu’il pouvait mettre sous verre quelque bestiole inédite, posée sur la feuille, la branche ou la pierre qui se confondait avec elle. Que de fois, pour lui faire plaisir, Marie-Thérèse s’était mise en quête de mimétismes !… Pauvre chère jolie sœur !…

Allons ! la solitude et l’inaction ne valaient rien, décidément ! Il valait mieux boucler ses guêtres et se porter au-devant de Robert.

Maxime, ayant prévenu M. Le Tellier, s’en fut dans la montagne.

La pluie avait cessé.

À Mirastel, on attendait ; et le temps s’écoulait avec une lenteur désespérante. M. Le Tellier arpentait les couloirs du château et les allées du jardin. M. et Mme Monbardeau s’efforçaient de lire les journaux, qui retraçaient l’événement tout de travers. Quant à Mme Le Tellier,