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le péril bleu

Leur cousin Maxime Le Tellier, lui, courait alors sur ses vingt-six ans. Reçu au Borda, aspirant, puis enseigne, il avait depuis peu quitté la marine de guerre pour s’occuper d’océanographie avec le Prince de Monaco. Averti que toute sa famille allait se réunir en Bugey, il avait fait coïncider avec cette assemblée le mois d’indépendance auquel il avait droit.

Et voici, dans la séduction de ses dix-huit ans et la grâce de sa beauté blonde, Marie-Thérèse Le Tellier, sa sœur, dont il faudrait décrire en vers de grand poète la chevelure d’or aux reflets d’argent, le teint de corolle fraîche, le regard mouillé, tel que Greuze l’aimait, la taille ronde, fine, souple… Et gentille ! Et bonne ! il faut savoir comme !… Enfin ! cette enfant, on ne pouvait l’entendre parler sans adorer sa pensée ; et pourtant, l’aspect de sa forme était si troublant, que les jeunes hommes ne l’écoutaient pas, et qu’en voyant ses lèvres merveilleuses, ils ne pensaient qu’aux baisers de plus tard et non aux paroles d’aujourd’hui.

Suzanne et Henri Monbardeau, Maxime et Marie-Thérèse Le Tellier avaient vécu le meilleur de leur enfance à Mirastel et à Artemare, en été. Là, Fabienne d’Arvière s’était mêlée à leurs jeux d’adolescents ; là aussi un pauvre petit orphelin, que M. Le Tellier faisait instruire, avait passé en leur compagnie beaucoup de belles vacances, avant de devenir le secrétaire fidèle de son protecteur.

Artemare et Mirastel ! Que de souvenirs ! Les jeunes Monbardeau idolâtraient la tante Le Tellier ; les petits Le Tellier ne juraient que par la tante Monbardeau ; et c’était, pendant la saison du soleil, un perpétuel va-et-vient entre le château de Mme Arquedouve et la villa du docteur. On vivait dans les deux. On déjeunait ici ou là. Souvent même on y couchait. On y prenait pension, quelquefois plusieurs jours de suite.

Mme Arquedouve présidait guillerettement aux réjouissances du château. Et elle était tant vivelette, cette menue damerette aux bandeaux lisses presque bleus, en sa robe d’alpaga noir d’une coupe monastique, avec une petite pèlerine, avec aussi un col et des manchettes de lingerie, — elle était, cette fluette damoisette, tellement alerte et