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épilogue

notre condition première, et que leur descente constituait une descente aux enfers ?… Mais voilà une hypothèse un peu bien entachée de métempsycose ; et nous devons retirer, de la secousse bleue, des leçons plus fertiles.

Oh ! je ne fais pas allusion au bel exemple de générosité que les Sarvants nous ont donné. Ceci est trop manifeste.

Mais leur invisibilité nous révèle encore que, — sans aller chercher des peuples à cinquante kilomètres en l’air ou cinquante kilomètres en bas, — nous pouvons conjecturer la présence de créatures invisibles et intangibles au milieu même de l’humanité. Elles seraient pétries de gaz ou formées de rayons X, comme nous sommes faits de substance charnelle. Nos sens restreints n’en pourraient percevoir le signe le plus faible. L’âme de ces êtres subtils aurait pour support une quelconque matière impondérable, — ce qui est, je pense, plus raisonnablement acceptable que l’assurance d’une âme sans aucun support, assurance admise pourtant de tous les partisans de la vie éternelle et qui sont légion d’hommes intelligents. Ces personnages insaisissables pourraient habiter notre sol, — et vivent là, peut-être, à notre insu. Peut-être qu’ils ne se doutent pas de notre existence plus que nous de la leur. Peut-être les traversons-nous et nous traversent-ils en marchant ; peut-être leurs villes et les nôtres se pénètrent-elles ; peut-être nos déserts sont-ils pleins de leurs foules et nos silences de leurs cris… Mais peut-être sommes-nous leurs esclaves inconscients. Alors, nos maîtres insoupçonnables s’installent en nous-mêmes et nous dirigent à leur gré. Alors, pas un geste de nos mains qu’ils n’aient voulu que nous fissions ; pas un mot de notre bouche dont ils ne soient les promoteurs. À cette pensée, l’esprit se soulève de dégoût…, et cependant, il suffirait que ces êtres-là, invisibles, intangibles, tout-puissants, joignissent à leurs monstruosités celle de pouvoir être un seul ou plusieurs, à volonté, comme les Sarvants, pour unir des mérites que l’on révère en tous lieux, sous d’autres noms — divins.

La concurrence vitale est donc sans doute beaucoup