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le péril bleu

est moins connue de nos savants que celle des périodes géologiques. Nous ignorons encore si les reptiles géants des ères trépassées ne vivent pas toujours aux profondeurs glauques, et si le grand serpent de mer n’est pas l’antique plésiosaure.

En fait, le précipice aérien, la cuve marine, le gouffre compact du sol, nous sont également douteux. Aucun physicien n’est en mesure d’affirmer que l’écorce terrestre ne laisse point passer certains rayons solaires, obscurs et froids, dont l’action suffirait à la vie de races souterraines, comme la pellicule des continents sus-aériens n’intercepte aucune des irradiations chaudes et lumineuses qui entretiennent l’activité de la nature à la surface de la Terre. Aussi bien, le milieu de la boule contient peut être des peuples qui n’ont pas besoin du soleil pour exister. On s’imagine aisément toutes ces créations superposées autour du même centre… et rien n’empêche de soutenir que le monde des Sarvants n’est pas la plus extérieure de ces sphères concentriques, puisqu’il est seulement à la superficie de la première couche atmosphérique et qu’il en existe une deuxième. À la surface de celle-ci, entre le vide relatif et l’éther absolu, peut-être y a-t-il un second univers invisible, une Terre suprême, aux dimensions jupitériennes…

Ainsi peut-on se figurer notre planète composée de globes l’un dans l’autre, — isolés toutefois et sans échanges intermondiaux, — avec leurs habitants, leurs animaux, leurs plantes… Cela ressemblerait à l’Enfer de Dante Alighieri, dont les cercles enferment les cercles… Et serait-ce donc une grande sottise que de développer ce parallèle ? À considérer les tourments de nos jours, calmés de plaisirs si piètres et si brefs, n’est-on pas tenté quelquefois de douter que notre vie soit réellement la Vie ? Ne croirait-on pas sans effort que notre existence réelle est accomplie ; que nous sommes tous des morts ; et que l’espace où l’on nous voit sous forme de bipèdes glabres et moroses n’est qu’un purgatoire — un cercle moyen, une sphère au milieu des autres — dans lequel nous expions, par un état de médiocre souffrance, les péchés véniels d’une vie antérieure ?… — N’a-t-on pas été jusqu’à prétendre que la qualité de Sarvant était