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l’épave de l’air

ordre de les conduire boulevard Saint-Germain, dans son laboratoire, aux fins d’autopsie. Dans une heure il le rejoindrait pour commencer le travail.

Ceci dit, aux protestations de quelques médecins qui ne manquèrent pas de crier à l’accaparement, — M. Le Tellier, à tâtons, retourna vers les machines. Et il se souvient qu’alors il se représenta la disproportion fantasque qui existait entre la taille (moyenne) des hommes invisibles et l’exiguïté des cabines de l’aéroscaphe, où certes le moins grand des matelots n’aurait pu se tenir debout, non plus que s’allonger de tout son long.

Les machines prenaient douze chambrettes, séparées seulement par de grêles colonnes. (On ne se doute pas des difficultés qu’on eut à surmonter pour dénombrer toutes ces loges et pour en dresser le plan approximatif, sans y rien voir.) Il y avait là beaucoup de doctes personnages qui trébuchaient à cause du vertige, et qui, ardemment, pétrissaient devant eux des contours impossibles à regarder. Ils nourrissaient une vive curiosité à l’égard de la machinerie et de la force motrice employée par les Invisibles pour actionner l’hélice, les pompes et peut-être même le calorifère du cylindre. La plupart étaient assurés qu’on allait découvrir un capteur d’électricité encore plus parfait que celui de l’Épervier

Or, il arriva qu’au bout de la machine opposé à l’hélice, on trouva une grande quantité de boîtes régulièrement réparties sur des tablettes. Des pièces de métal mobiles les réunissaient aux organes de transmission. Ces semblants d’accumulateurs ou de piles furent ouverts sans effort…

Ils contenaient chacun le cadavre d’une bête trapue et baroque, une espèce de crapaud tout en muscles, enfermé dans un tambour rotatif qu’il avait mission de mettre en mouvement et qui, tournant lui-même par l’entraînement de tous les autres, obligeait l’animal à courir dans sa roue creuse, sous peine d’y être durement secoué, et à contribuer ainsi au labeur général. Cette énergie, communiquée par de petites bielles à l’arbre central, s’allait transformer de mille façons à travers un fouillis mécanique.

Ainsi, les civilisés de là-haut, ces gens dont la science paraissait accomplie, en étaient encore au moteur ani-