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iii

Les Voleurs volants



Les deux ouvriers italiens ne pouvaient ignorer que des soupçons pesaient sur eux. Seuls passants équivoques, seuls hôtes inconnus, on se montra d’autant plus acharné à les croire coupables que cette culpabilité devait, si l’on peut dire, déclasser la mésaventure et la faire tomber du rang supraterrestre où l’avait guindée l’imagination rurale. « Ces Piémontais ! ces gueux d’étrangers ! » On les aurait sur l’heure écharpés !… Mais les gendarmes présents et certain reporter venu de Paris empêchèrent cette justice expéditive. « Mieux vaut, disaient-ils, surveiller leurs agissements. » — On s’y résolut.

L’astuce élémentaire conseillait de fournir du travail aux deux gars et de continuer à les héberger, pour endormir leur défiance. Malheureusement, les fermiers s’y refusèrent à la suite l’un de l’autre. Les Italiens touchèrent leur dernière paye le 23 dans la soirée, chez un cultivateur de Champrion (village tourmenté la nuit précédente) et couchèrent à la belle étoile, en bordure de la forêt voisine.

Une couple de gendarmes fut préposée à leur surveillance, et, cachée selon les règles de l’art, s’endormit comme un seul homme.

Cependant Champrion fut tarabusté pour la seconde fois. Les Sarvants s’adjugèrent une oie et des canards, que leurs propriétaires avaient négligé de rentrer, dans l’assurance de n’être point lésés deux nuits à la file. Et