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le péril bleu

Et pourtant je montais encore, et j’avais La certitude que si j’avais pu prendre le thermomètre et le regarder, j’aurais vu qu’il marquait dans les 16 ou 18° au-dessus de 0. Il faisait très bon, en somme. Et pourtant j’étais au moins à 9.000 mètres ! plus haut que le Gaurisankar ! là où le thermomètre aurait dû marquer 35° au-dessous de 0 !… Je me rappelai avec stupeur que, sans l’aide de l’oxygène, aucun homme n’avait atteint ces régions sans s’évanouir. Berson et Süring sont arrivés à 10.500 mètres, mais avec des respirols à oxygène. — Et d’ailleurs n’étais-je pas plus haut, maintenant ? C’était un rêve ! Il fallait contrôler…

Je fis un effort, qui réussit, le vertige diminuant avec l’éloignement de la Terre ; et je pus saisir derrière mon dos le ballon d’oxygène, dont je tins l’embouchure près de mes lèvres, en cas d’alerte. Ensuite le thermomètre : + 18° centigrade ! Et le baromètre : 160 millimètres ! exactement la même pression qu’à la surface du sol ! la pression moyenne de la terre ferme !… Est-ce que vraiment j’étais encore à terre ?… Je me crus idiot. — Mon état d’esprit différait quelque peu de celui, héroïque, que je m’étais prédit !

Naturellement, une page de ce cahier représente une minute.

J’écoutai mieux. Il me sembla percevoir…, et je perçus assez nettement, un doux petit clapement double qui faisait, velouté : « clip clap, clip clap, clip clap » et ainsi de suite. Étant seul — et quelle solitude ! — j’attribuai ce bruit à moi-même. N’était-ce pas un effet de l’altitude sur ma physiologie ?…

Au moyen de ma montre, et pensant que je m’élevais toujours avec la même vitesse, je fis des approximations de hauteur. Bientôt je fus assuré d’avoir atteint 30.000 mètres — le record des ballons-sondes non montés ! Mais là j’éprouvai l’illusion d’être immobile, parce que l’éloignement continu de la Terre trop