Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/210

Cette page a été validée par deux contributeurs.
209
il pleut… il grêle…

— « Non, ce n’est pas de la tache carrée ; parce qu’elle n’est pas rigoureusement au-dessus de l’endroit où nous sommes. Elle est, mathématiquement, au zénith de Ceyzérieu, puisqu’elle est à sept degrés au sud du zénith de Mirastel. Au-dessus de nous il n’y a rien. Entends-tu, Calixte : rien !… Et puis, penses-y, à cette hauteur de cinquante kilomètres il n’y a plus de liquides possibles, attendu que là c’est le vide presque parfait, à moins d’une erreur scientifique…

» Autre chose encore. Comment expliquer que le sang ne s’est pas desséché, s’il a parcouru cinquante kilomètres en chute libre ? Il faudrait alors que ces gouttes fussent un résidu… Tout le sang d’un homme, réduit à quelques larmes… D’un homme… ou d’une femme… ou d’une bête… »

— « Rentrons, je te dis. Dans une demi-heure nous serons au fait de la vérité quant à l’espèce qui a saigné. Rentrons ; cette éclaboussure me soulève le cœur, j’ai hâte de l’analyser, de pouvoir l’essuyer. »

La main sanglante se contractait d’horreur… Et pourtant, c’était peut-être bien le propre sang de M. Monbardeau : celui de sa fille ou de son fils…

Ils remontèrent en voiture… Un sifflement balistique, de plus en plus violent et suraigu, se fit entendre au dessus de la capote et s’acheva dans le « plouf » d’un objet qui tombe à l’eau…

Ils passèrent la tête… Un second sifflement raya le ciel bleu d’un sillon terne et finit par des branches cassées…

— « Hé ! des aérolithes ? » fit M. Monbardeau.

Derrière les murs de Talissieu, on percevait des bruits de fortifications… Et puis : ce silence des silences qui est celui d’une foule qu’on ne voit pas et qui se tait…

Les automobilistes se rendirent au bord du ruisseau qui coule dans un bois et le longèrent dans le sens du courant.

L’eau claire se troublait tout à coup et charriait un nuage de limon qui venait d’être soulevé par le choc de l’objet précipité.

Ils attendirent le dépôt de la fange, — et alors voilà : ils distinguèrent au fond du ruisselet, encastrée dans la vase pierreuse, une tête humaine qui, d’un œil sans pau-