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le péril bleu

Le soleil levant frappait la tache par-dessous. On voyait distinctement que c’était une chose vague, un solide plat, composé de pièces brunes, rectangulaires, avec entre elles des lignes incolores très fines.

Sans trop de réflexion, « pour voir ce que ça donnerait », l’astronome intercala une lentille entre l’objectif et l’oculaire, afin de redresser normalement l’image, que les lunettes astronomiques forment à l’envers. Cette métamorphose du télescope en longue-vue terrestre demeura sans effet notable, le dessous d’un corps n’ayant pas de sens.

L’astronome s’énervait. Parfois, il s’efforçait sans y réussir d’apercevoir la tache directement. Le ciel turquoise était d’une pureté sainte-virginale, exempte du plus faible soupçon de brun, de la plus infime molécule de blond ou seulement de bleu plus foncé. Trop loin ! trop loin ! La tache, ainsi, ne pouvait être perçue, même si l’on négligeait de compter avec l’épaisseur de l’air, jamais totalement lucide malgré son apparence et toujours teinté d’azur assombrissant.

Et M. Le Tellier, revenu à l’oculaire de la lunette, n’y découvrait rien de nouveau.

Il espionna sans se lasser le fond de cette chose énigmatique. Il surveillait davantage les bords du carré, et surtout celui du nord, qui devait mieux s’offrir aux investigations, étant donnée la position légèrement méridionale de l’objet par rapport à Mirastel. Il voulait qu’il y eût le long de ces bords, tout autour de la tache, une balustrade, un garde-fou, un bastingage, une barre d’appui plus ou moins baroques ; et il escomptait l’apparition de quelque tête infinitésimale et adorée qui se pencherait au-dessus de l’abîme, grosse comme une tête d’épingle…

À la fin, il s’arracha de l’épuisante contemplation. Trois heures de patience ne lui avaient appris rien de nouveau. Le plafonnement gênait. Il fallait observer la chose de profil et non par-dessous. Donc il fallait l’observer de plus loin. — Oui, mais, dans ce cas, une lunette d’amateur ne suffirait plus. Les grands télescopes devenaient indispensables…

Et tout à coup, ce trait de lumière dans son raisonne-