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Assomption



Bien que le ciel fût toujours menaçant et qu’il semblât réserver pour l’après-midi quelque orage nouveau, Maxime — autant par bravade que par goût — prit son attirail de paysagiste et, malgré l’unanime réprobation, se dirigea vers la montée.

Une heure après, las de chaleur et de diligence, il aperçut de loin le troupeau de ruminants et ses petits gardeurs.

Le site du pacage était à la fois grandiose et riant. La prairie, vallonnée, formait une combe et se creusait gracieusement selon la courbe des hamacs et des guirlandes. L’un de ses bords se redressait en muraille rocheuse, s’élançait pour continuer la montagne, et des créneaux cyclopéens, mêlés de broussailles, découpaient son couronnement. L’autre bord, beaucoup moins relevé, finissait à la lisière d’un bois qui, tout de suite, s’inclinait dans l’autre sens et penchait jusqu’à Mirastel son plan de rocs, de chênes-verts et de buis géants. D’innombrables narcisses embaumaient le pré luxuriant. Çà et là, des blocs grisâtres le parsemaient ; et sur l’un d’eux, où son frère César venait de la jucher, Césarine Jeantaz avait déjà pris la pose, et maniait son accordéon, et psalmodiait une valse ; — car tout ce que chantent les paysans devient ou demeure une psalmodie, que ce soit Viens poupoule, la Marseillaise ou le Dies irae.

Elle intercala son « bonjour, monsieur ! » entre deux notes, et César salua le « Moncheu ».