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encore le dirigeable

Robert s’approcha des boîtes vitrées où le mimétisme déployait ses bizarreries. De loin, certaines de ces boîtes paraissaient pleines de branches, d’herbes et de rameaux ; et de près, on s’apercevait que telle brindille était une malicieuse chenille, telle tache d’écorce une phalène retorse, et telle feuille exotique un ingénieux moustique. Mais il n’y avait pas que des bêtes déguisées en végétaux ; il y avait aussi des bêtes costumées en bêtes. D’autres vitrines, en effet, logeaient des papillons épinglés deux à deux ; dans chaque paire chacun se ressemblait à s’y méprendre, et pourtant celui-ci constituait une nourriture empoisonnée pour les petits oiseaux, et l’autre, inoffensif, ne devait d’exister encore de nos jours qu’à sa ressemblance avec son sosie vénéfique. — Malheureusement, il faut le dire, depuis que l’enfant Maxime, occupé d’autres jeux, s’était désintéressé de celui-ci, le temps avait modifié beaucoup de ses préparations, fané toutes les verdures, moisi bien des corselets. Et maintenant pas mal de similitudes commençaient à différer.

Robert en fit la remarque au jeune homme, et poursuivit :

— « C’est tout de même drôle, ces identités… : cette espèce de mascarade zoologique !… le caméléon, qui, à volonté, pour être inaperçu, se fait rouge ou vert, selon qu’il est sur un fond rouge ou sur un fond vert !… »

— « Eh oui. C’est l’histoire du lion, fauve sur le sable fauve du désert ; c’est l’histoire de l’ours, blanc sur la neige blanche des Pôles. Tout cela : des mimétismes… Mais, comment ! vous, le spectateur des constellations, ces machines-là vous intéressent !…

— « Pourquoi pas ?… — Sans doute y a-t-il aussi des poissons qui se livrent au mimétisme ? »

— « La nature en est pleine. L’homme lui-même… Les manteaux couleur de muraille… — Tiens ! mais dites donc Robert, » Maxime riait, « je vous vois si attentif… Accuseriez-vous par hasard le Sarvant de revêtir un maillot bleu de nuit, pour… »

— « Quelle bêtise ! » interrompit le secrétaire.

— « … Ce petit musée m’a bien diverti jadis… Il a déterminé ma vocation de biologiste… Aujourd’hui j’ai d’autres chats à fouetter… »